Fer et anémie

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Par Stéphanie Trottier , inf. BSc., EIPS

L’anémie, ce mal de tous les maux! Nombre de parents de nourrissons s’en inquiètent. Plus souvent qu’autrement, toutefois, cette inquiétude est motivée par la pression sociale et médicale plutôt que par l’état de bébé.

Effectivement, il n’est pas rare d’entendre et de lire des mamans mentionner qu’il « faut absolument que bébé mange ses céréales sinon il va faire de l’anémie à six mois ». Cette croyance populaire est souvent reliée à celle voulant que la diversification doive débuter à 4 mois. Or, qu’en est-il vraiment?

Santé Canada, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et nombre d’autres organismes mondiaux et scientifiques crédibles ont étudié la question. Voici donc ce qui émerge de mes lectures.

L’anémie est une affection courante. D’une façon générale, elle amène une baisse de globules rouges dans le sang. Il en existe plusieurs types qui ont des causes assez variées. Certaines anémies sont dues à un manque de fer, à des pertes de sang ou encore à un défaut de fabrication des globules rouges. Ces globules transportent l’oxygène qu’on inspire des poumons vers les cellules de tout le corps. Ils prennent ensuite le gaz carbonique de ces mêmes cellules pour le ramener aux poumons afin d’être expiré (Marieb, 2005; McCance, Huether, Brashers, & Rote, 2010). En cas d’anémie, ce transport ne peut se faire efficacement ce qui entraine plusieurs symptômes discutés plus bas.

L’anémie qui fait tant frémir les parents est celle qui est due au manque de fer. On l’appelle « anémie ferriprive » (McCance et al., 2010). Pourtant, il ne s’agit pas de la forme d’anémie la plus courante chez l’enfant! Les recherches démontrent en réalité que les pertes de sang occultes (cachées) sont plus souvent en cause. Ces pertes peuvent être dues à des saignements au niveau des intestins, à une infection parasitaire ou à une maladie hémorragique.

Par exemple, jusqu’à un tiers des enfants qui ont une anémie sévère réagissent en fait à une protéine du lait de vache. Cette réaction provoque une grave inflammation de l’intestin et des saignements (McCance et al., 2010). Il importe donc de connaître la source de l’anémie avant de traiter l’enfant : à chaque mal son remède!

Le fer

Le fer est essentiel à la fabrication des globules rouges. S’il en manque, les globules sont plus petits et transportent moins d’oxygène. Qu’est-ce qui peut causer un manque de fer?

D’abord et avant tout, le fait de ne pas en consommer assez (Marieb, 2005; McCance et al., 2010). Toutefois, il ne suffit pas de simplement consommer des aliments riches en fer pour éviter tous les tracas. En effet, la consommation ne garantit pas l’absorption!

Il est essentiel de savoir que deux types de fer alimentaire existent : le fer hémique et le fer non-hémique. Contrairement au fer hémique, le fer non-hémique doit être accompagné pour être absorbé par le corps.

La réserve et la carence

La réserve en fer se construit immédiatement après la naissance suite à la mort des globules rouges spécifiques de bébé (ces globules vivent moins longtemps que les globules rouges réguliers). Leurs carcasses sont défaites et ce qui est récupérable est mis en réserve. Cela inclus le fer. Cette réserve sera utilisée graduellement jusqu’à être épuisée.

L’alimentation d’un bébé de 6 mois comprend habituellement suffisamment de fer pour combler ses besoins quotidiens (McCance et al., 2010). La fin des réserves signifie uniquement que bébé a entièrement utilisé ce qui avait été récupéré des globules morts : il n’a ni carence, ni anémie ! Cette situation est complètement normale et il n’y a pas lieu de s’inquiéter.

**Fait à noter, la réserve en fer des bébés nés prématurément s’épuise plus rapidement que celle des bébés nés à terme et en santé (McCance et al., 2010). Cependant, les ex-prématurés jouissent habituellement d’un suivi médical adapté à leur situation spécifique.

La carence en fer implique un taux sanguin de fer sous la norme établie : il manque de fer dans le sang. Cette norme dépend principalement du sexe et de l’âge de la personne. Le taux normal de fer sanguin est ainsi plus élevé pour un adulte que pour un enfant ; pour un homme que pour une femme (Marieb, 2005; McCance et al., 2010).

En cas de carence, non seulement la réserve est épuisée mais, il n’y a pas assez de fer en circulation dans le sang. La carence n’entraîne pas nécessairement de symptômes. Tout dépend de sa sévérité! Lorsque des symptômes se manifestent, on parle automatiquement d’anémie.

Prévention, suivi et surveillance

Les premiers symptômes de l’anémie sont la léthargie et la lassitude (McCance et al., 2010). Un bébé léthargique est un bébé plus somnolent qui dort plus qu’à son habitude. La lassitude se manifeste par un manque d’énergie. Puisqu’un bébé dort beaucoup et que plusieurs facteurs peuvent changer son niveau d’énergie, il peut être difficile de remarquer ces symptômes (McCance et al., 2010). Il s’agit d’une anémie légère dont il faut parler avec le professionnel de la santé qui suit bébé. L’irritabilité, la faiblesse, le manque d’intérêt pour le jeu et la baisse de la tolérance à l’activité (bébé se lasse plus vite) sont des symptômes non spécifiques de l’anémie : ils peuvent apparaître pour d’autres raisons. Ils marquent néanmoins l’anémie modérée. Bien que le corps manque alors de globules rouges (et d’oxygène), il arrive encore à compenser (McCance et al., 2010). À ce stade, un traitement est nécessaire à très court terme. Dans une anémie sévère, le corps ne compense plus aussi bien. Les symptômes déjà mentionnés sont alors évidents et très sérieux. En plus de cela, la peau de bébé est pâle et son cœur bat vite (tachycardie) (McCance et al., 2010). Si ces signes sont présents chez qui que ce soit, il faut l’amener consulter un médecin immédiatement.

En cas d’anémie ferriprive, il est important d’évaluer la diète de bébé. Une consultation en nutrition peut être envisagée afin d’éviter l’aggravation, de corriger la situation et de prévenir un nouvel épisode.

Certains médecins prescrivent un supplément de fer à ce stade, pour aider le retour à la normale. Un supplément de vitamine C devrait alors aussi être envisagé (McCance et al., 2010).

Nutrition et suppléments

Tel qu’indiqué précédemment, il existe deux types de fer.

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  • Le fer hémique est très rapidement absorbé par le duodénum. Il provient uniquement des sources animales que sont la viande, le poisson et la volaille (McCance et al., 2010).
  • On retrouve le fer non-hémique dans les sources animales ainsi que dans  les œufs et certains aliments d’origine végétale, comme les légumineuses, les légumes, les fruits, les produits céréaliers, les noix et les produits céréaliers enrichis de fer  (Santé Canada, 2009). Ces aliments ainsi que les suppléments de fer devraient toujours être accompagnés de vitamine C. Celle-ci joue un rôle essentiel dans l’absorption du fer : sans elle, le fer non-hémique est beaucoup moins bien absorbé (McCance et al., 2010; Santé Canada, 2015). Fait intéressant, l’absorption du fer non-hémique est augmentée de 150% par la viande (Engelmann et coll., 1998 dans (Santé Canada, 2015). La variété est donc payante!

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Santé Canada recommande d’ailleurs d’offrir des aliments riches en fer au moins deux fois par jour entre 6 et 12 mois et à chacun des trois repas entre 12 et 24 mois (Santé Canada, 2015). Le fer, quelle que soit sa source, est mal absorbé lorsque du phosphate de calcium et des phosphoprotéines (lait et antiacides) sont dans les intestins (McCance et al., 2010). C’est pourquoi il n’est pas recommandé de consommer du lait (autre que maternel ou de formule) en même temps que du fer, à plus forte raison en cas d’anémie.

Aussi, une trop grande quantité de lait de vache peut empêcher le fer d’être absorbé même s’il n’est pas donné en même temps (McCance et al., 2010; Santé Canada, 2015). En conséquence, il est possible que le professionnel de la santé en charge de bébé demande à ce que la quantité de lait de vache donnée soit limitée. N’oublions pas que certaines anémies sont aggravées ou provoquées par des saignements causés par le lait de vache (McCance et al., 2010). Tout est donc une question de quantité!

Les suppléments de fer sont indiqués en cas d’anémie ferriprive. Puisque les globules rouges ne se construisent pas instantanément, les effets bénéfiques des suppléments peuvent mettre jusqu’à deux mois à se faire sentir (McCance et al., 2010). On poursuit généralement la thérapie par suppléments pour trois à six mois après la fin des symptômes (McCance et al., 2010). Ces suppléments sont habituellement donnés à bébé sous forme liquide. Si la situation est plus critique ou qu’il y a un problème d’absorption intestinale, le supplément peut prendre une autre forme (McCance et al., 2010). Il est à noter qu’un excès de fer peut entre autres entraîner de la constipation et des nausées. (Demers & Lapierre, 2013)

Les recherches dévoilent que, sommes toutes, environ 10% du fer alimentaire consommé est réellement absorbé. C’est pourquoi les apports quotidiens recommandés (AQR) sont supérieurs aux besoins réels de l’organisme (Lehne, 2010). Ainsi, il faut savoir choisir ses sources de fer et bien lire les étiquettes. Il est d’abord important de savoir que les pourcentages d’AQR indiqués sur les tableaux de valeur nutritive sont basés sur un adulte moyen (Agence canadienne d’inspection des aliments, 2016). Pour les produits qui ne sont pas destinés uniquement aux enfants de moins de deux ans, on se fie toujours au même adulte moyen. Pour le fer, on suppose que l’AQR de l’adulte moyen est de 14 mg (Agence canadienne d’inspection des aliments, 2016). Or, l’apport nutritionnel recommandé en fer pour un nourrisson de 7 à 12 mois est de 11 mg par jour. Alors que pour un enfant de un à trois ans, c’est 7 mg de fer par jour (Santé Canada, 2010). En somme, mieux vaux calculer les valeurs en mg que les pourcentages. Gardons toutefois en tête que le lait maternel et de formule contiennent aussi du fer et qu’il faut respecter la faim de bébé (Santé Canada, 2015).

Voici quelques exemples de combinaisons gagnantes :

  • Gruau instantané avec morceaux de fraises
  • Pain multigrain tartiné de beurre de graines de citrouille et suprêmes d’orange
  •  Lanières de bœuf et poivrons rouges
  •  Sauté de tofu et brocolis sauce aux arachides
  •  Mini-pains de viande aux lentilles avec choux de Bruxelles
  •  Chili spécial bébé  avec papaye

(+) Pour un tableau de la valeur en fer des aliments

( +) Pour une liste des aliments riches en vitamine C


Références

Agence canadienne d’inspection des aliments. (2016).  Information contenue dans le tableau de la valeur nutritive.

Demers, H., & Lapierre, M. (2013). L’anémie ferriprive comment « fer » pour bien la traiter ? Le Médecin du Québec, 48(11), 79-82.

Lehne, R. A. (2010). Drugs for deficiency anemia. Dans Pharmacology for nursing care (7e éd., pp. 633-646). St-Louis, MO: Saunders Elsevier.

Marieb, E. M. (2005). Anatomie et physiologie humaines (3e éd.). Traduction française par R. Lachaîne, Saint-Laurent, QC: Édition du Renouveau Pédagogique Inc.

McCance, K. L., Huether, S. E., Brashers, V. L., & Rote, N. S. (2010). Pathophysiology: The biologic basis for disease un adults and children (6e éd.). Maryland Heights, MO:

Mosby Elsevier. Santé Canada. (2009). Lignes directrices sur la nutrition pendant la grossesse à l’intention des professionnels de la santé – Le fer contribue à une grossesse en santé.

Santé Canada. (2010). Apports nutrionnels de référence.

Santé Canada. (2015). La nutrition du nourrisson né à terme et en santé : Recommandations pour l’enfant âgé de 6 à 24 mois.

 © 2016, Stéphanie Trottier, inf. BSc., EIPS

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Une réponse à “Fer et anémie”

  1. Merci Emilie pour cette remise à plat rassurante et bien documentée ! Merci pour votre travail d’une manière générale, je lis tous vos articles (et votre livre) avec plaisir ! C’est tellement intéressant !

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